Colmar 4 décembre [1753]
Je reçois de Rosalba une lettre bien aimable du 28, mais qui n'est pas consolante.
Que de peines, que de douleurs et quels funestes retours sur le passé! Je ne peux m'ôter de la tête que cette maladie si longue et qui se reproduit à tant de reprises ne soit le fruit de l'abominable séjour de Francfort. Il est trop naturel qu'une avanture si horrible, si inouïe, ait jeté du poison dans le sang. J'écris pour les deux sœurs dont l'une console l'autre, et je mêle mes amertumes aux leurs. Que madame de Fontaine ne se lasse point de m'écrire du chevet du lit de la malade. Elle peut se figurer quel est l'état d'un pauvre oncle qui joint la goutte à tant d'autres maladies, et qui dans cette situation est dévoré d'inquiétudes pour ce qui luy est si cher. Je n'ay de si loin aucun conseil à donner. Je n'ay qu'à souffrir et à craindre et à prier madame de Fontaine de continuer à m'instruire de l'état de sa sœur et à me calmer. Il est bien affreux que je ne puisse être entre elles deux. La goutte ne m'empêcherait pas de me mettre en chemin mais pourquoy cette consolation m'est elle interditte? Que la malade guérisse si elle veut que je vive.
J'embrasse tendrement les deux sœurs et j'attends des nouvelles qui puissent diminuer mes douleurs.
V.