1753-11-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Louise Denis.

Je prie l'une des deux sœurs de m'écrire et d'achever de dissiper mes inquiétudes.
Mr Bagieu m'a rassuré il y a longtemps: je luy ay répondu sans savoir son adresse, me doutant bien qu'il était assez connu pour que la lettre luy fût rendue.

Depuis ce temps là il me semble que la malade a toujours eu un point de côté dont elle ne m'a parlé que dans la lettre du secrétaire Pichon. Ce point de côté m'alarme. Pourquoy madame de Fontaine ne m'en a t'elle rien dit? Je la prie instament de ne me rien cacher. Voylà le moment où je devrais être à Paris et je me trouve cloué à Colmar ayant tantôt un érésipèle tantôt la goutte et toujours accablé de chagrin. Je me flatte que madame Denis ne me laissera pas ignorer son état, si elle a pitié du mien.

Nous ne mettrons ny elle ny moy l'année 1753 au nombre des années heureuses et je ne prononcerai le mot de bonheur que quand je la rejoindrai.

V.