1753-11-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Louise Denis.

Quoy mon adorable enfant, vous êtes encore malade le 19! et madame de Fontaine me mande du 22 que vous n'êtes pas guérie! et je ne peux être auprès de vous! Je suis confiné à Colmar avec tous les maux tandis que vous soufrez à Paris! Hélas je n'étais pas instruit de votre état.
Je croiais que c'était une de ces petites maladies dont vous vous tirez si vite et si bien! Je vous demande pardon de vous avoir parlé d'autre chose que de ce qui fait àprésent le sujet de ma douleur et de ma crainte.

Je suis moy même dans un état bien cruel. Il est intolérable, mais je ne sens que le vôtre. Je ne pense qu'à vous! Avez vous toujours ce point de côté, dont madame de Fontaine me parle? Elle prétend que vous vous en tirerez. Mais rien ne me rassure; je la conjure de m'écrire tous les ordinaires, de ne me pas laisser ignorer les progrès de votre convalescence. Je ne luy écris point aujourd'huy, j'ay peu de temps et encor moins de force. Nous voylà alitez à cent lieues l'un de l'autre. C'est donc là tout le fruit de notre entrevue cruelle à Francfort! C'est mon malheur qui s'est répandu sur vous. Je suis au désespoir, poir, je suis inconsolable. Que votre aimable sœur me rassure et me console si elle peut.

Je remercie bien made Pichon, votre secrétaire. Ah mon enfant, mon enfant! quelle funeste vie! courage! guérissez seulement.

V.