1726-05-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à René Hérault.

Je vous suplie monsieur de ne pas changer en une amertume cruelle, la consolation que vous me donnâtes hier.
Vous me promites que je pourois voir quelques amis au gouvernement. Ils seront en petit nombre. Ne me refusez pas la douceur de les embrasser. Il y a des personnes que je suis dans une obligation indispensable de voir. Elles doivent venir dans l'espérance de pouvoir me parler. Ne me faittes pas je vous en conjure instamment, le déplaisir et l'injure de me priver de leur vue. N'ajoutez point un désagrément si sensible au malheur dont je suis acablé. Je ne suis point icy en criminel. Il dépend uniquement de vous de me donner le soulagement que je vous demande. Mgrle duc ne s'y opposera pas, et je vous en aurai obligation toutte ma vie.

D'ailleurs Monsieur trouvez bon que je ne parte qu'après demain, ne pouvant finir aujourd'huy mes affaires avec le sr Dubreuil qui en prend soin, et étant tombé malade.

Je vous demande pardon de mon importunité. J'espère que vous aurez la bonté de faire dire à la bastille qu'on peut me laisser voir quelques amis aujourd'huy et demain. Encor une fois monsieur ne me refusez pas cette grâce et soufrez que je joigne les sentimens de la reconnoissance la plus vive à ceux de l'estime et du respect avec lequel je suis Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire