1737-07-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Chaque jour de poste mon cher abbé sera donc de ma part une nouvelle importunité.
Vous savez toutes les commissions dont je vous ay acablé. Je crois parmy ces commissions n'avoir pas oublié l'histoire latine de l'académie par Duhamel ny le volume sur le fer par M. de Reaumur. J'ay surtout abusé de votre patience en vous priant d'avoir une nouvelle conversation scientifique avec ce célèbre chimiste mr Grosse. Vous n’êtes pas encor quitte de mes prières. Il faut avoir la bonté de demander à ce savant charbonier là, s'il a jamais fait l'expérience de plonger son termomètre dans de l'esprit de vin, dans de l'esprit de nitre, d'urine, etc., pour voir si le termomètre hausse dans ces liqueurs.

Je vous avois demandé des termomètres et des baromètres. J'insiste encor fortement là dessus. On en transporte au bout du monde. Vous pouriez consulter sur cela mr Grosse, ou mr Nolet qui demeure quay des Teatins chez mr le marq. de Lomaria. Ce mr Nolet en vend de très bons. Il enseignera et donnera par écrit la manière de les faire parvenir en province en sûreté. On pourait je croi très bien envoyer dans une caisse, le mercure, les verres, l'esprit de vin coloré etc. chacun à part et on rempliroit le termomètre selon la façon dont mr Nolet luy même s'y prend.

Ce qui est bien sûr, c'est qu'il me faut deux bons baromètres et deux bons termomètres. Si je peux surtout en avoir selon la méthode de Fahenreit, je vous seray très obligé. Dût on me les aporter à pied, il n'y auroit qu’à m'envoyer ce savoyard en qui vous avez confiance et qui est un honnête garçon. Il aporteroit avec cela des serins suposé qu'ils soient privez. Si me Dubreuil vouloit en céder pour de L'argent et une petite perruche à colier noir. Vous feriez prix avec luy pour son voiage. Vous seriez un homme charmant.

Aureste mon cher abbé n’épargnez jamais l'argent quand il vous faudra des voitures et préférez toujours en fait d'achats le bau et le bon, un peu cher au médiocre moins coûteux.

On dit bien du mal des estampes de Gueulard. Ne pouroit on point me faire moins villain?

Adieu mon très cher abbé.