1774-01-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philippe Antoine de Claris, marquis de Florian.

Est-il possible, mon cher ami, que vous aiez le temps de nous envoier des soles pendant que la santé du serin occupe vos moments!

La Lettre de made Haller me confirme dans l’idée que j’ai toujours eue qu’une liqueur rouge inconnue, laquelle de l’aveu du médecin même, est mordante et stimulante, qui excite la toux et donne diarrhée, n’est autre chose qu’un vrai poison pour la poitrine. J’ignore s’il entre de l’antimoine dans cette composition; mais il m’est évident qu’elle est mortelle dans l’état où est made Deflorian. Le raisonnement de ce médecin des urines est d’un ignorant, qui n’a pas la notion la plus légère de la constitution du corps humain. Il s’imagine qu’il faut purger la poitrine, et qu’on peut la purger comme l’estomac et les entrailles. Celà est d’une absurdité qui fait frémir. Consultez sur cette sottise Mr De Lamur et tous les médecins de Montpellier, et vous verrez ce qu’ils vous répondront.

Il se peut que ce médecin des urines ait emploié par hazard avec succez, quelques remèdes chimiques allemands éssaiés sur des corps robustes, mais l’art de la médecine consiste à distinguer ce qui peut convenir à un tempéramment, et ce qui serait très dangereux pour un autre. Il y a des maladies qu’il faut étudier longtemps avant de hazarder le moindre remède. Un homme sage ne distribue point ses drogues comme on donne des billets de lotterie.

Voilà tout ce que peut vous dire un pauvre vieillard cacochime qui ne sort prèsque plus de son lit, qui voudrait être auprès de vous, qui vous embrasse tendrement, qui vous attends au printemps, suposé qu’il y ait un printemps pour lui.

V.