ce 6 [Juillet 1737]
Je reçois votre lettre du 3 juillet mon cher amy.
1º à l'égard de Dumoulin, ou vous avez son titre contre luy, ou il est entre les mains du sr Robert, ou il est chez le sr Ballot, notaire, rue st Honoré au coin du carousel.
Voicy la réponse à la lettre de la Demoulin. Je vous prie cependant de les faire presser un peu.
2º pour l'intendant de mr de Richelieu, je crois qu'il est bon de luy écrire pour terminer l'affaire.
3º je voi par la datte des 72lt donnez au sr Robert qu'il a compté pour des frais chimériques, cet argent qu'il vous demanda. Il n'étoit point chargé alors de faire assigner les débiteurs de Demoulin puisque cette quittance de 72lt est du 18 de juillet et que l'afaire de Demoulin étoit totalement consommée le dernier juin — mais il n'en faut plus parler.
4º il faudra que mr votre frère n'aille jamais chez mr de Goebriant mais qu'il luy écrive tous les 8 jours jusqu'à réponse définitive.
5º je compte qu'on a écrit à m. le prince de Guise pour la délégation sur les fermes générales.
6º Jacques Ferrand, banquier et courtier à Amsterdam, est très solvable et très honnête homme. Il me mande que 10150 florins argent courant doivent me valoir plus de 20800lt. C'est de quoy il faudra se débatre avec mrs de Larue.
7º j'attends la caisse avec impatience, mais je vous prie instament de m'envoyer par le carosse de Bar sur Aube sans aucun délay Mariotte de la nature de l'air, idem du froid et du chaud, Boyle de ratione inter ignem et flammam (difficile à trouver, c'est l'affaire de votre frère), un dictionaire latin où se trouvent les termes des arts, s'il y en a.
8º un louis de gratification à Darnaud mais dites luy que je ne suis point à Cirey, que ma santé est languissante et que je n'écris à personne.
9º je suppose que vous m'avez gardé le secret avec mr Grosse, et avec mr Geofroy, et que vous ne m'avez jamais nommé en proposant mes questions de phisique. Je vous prie de ne me jamais nommer.
Avec cet incognito je vous prie d'aller faire encor une petite consultation à ce gnôme de Grosse. C'est un homme bien au fait.
Il faut tirer de luy, 1º s'il croit que le feu pèse et si les expériences faites par mr Humberg et autres qui semblent prouver que le feu est entré dans les matières calcinées et en a augmenté le poids, si ces expériences dije doivent L'emporter sur celle du fer rouge et refroidi qui pèse toujours également. Proposez luy ce petit problème.
2º si le miroir ardent du palais royal fait le même effet sur les matières mises dans l'air libre, et dans le vide de la machine pneumatique. Il faudroit sur cela le faire entrer dans quelques détails, luy demander les effets des rayons du soleil dans ce vide, sur
la poudre à canon, sur les liqueurs, sur les métaux, prendre un petit nota de ce qu'il vous diroit, et luy demander, si le phosphore de Boyle, si le phosphore ignée s'allument dans le vide, enfin s'il a vu de bon naphte de Perse, et s'il est vray que ce vray naphte brûle dans l'eau.
Vous voylà mon cher abbé archifisicien.
Je vous lutine sérieusement car j'ajoute encor que le temps me presse.
Vous pouriez aussi le consulter pour savoir où L'on trouveroit un termomètre de Fahenreit. Ce n'est pas tout, il faut luy dire que dans la chimie de Borehave, à la page 194, édition in 4., il est parlé d'expériences faites a clarissimo Boulducio par les quelles la légèreté spécifique du feu semble prouvée. Mais ces expériences sont probablement de Boulduc le père. Elles sont raportées dans l'histoire latine de l'académie de Duhamel, page 14 et 15. Si mr Grosse a cette histoire, vous auriez la bonté de copier le précis de ces expériences.
Je devrois avoir cette histoire latine de Duhamel pour joindre à celle de mr de Fontenelle. Il faut donc je vous en prie L'acheter, et l'envoyer avec le reste.
Il me faut aussi le traité du fer de mr de Reaumur qui étoit parmy mes mémoires de L'académie, si on l'a vendu il faut le racheter.
Encor un mot pour mr Grosse, c'est pour savoir ce qu'il pense de la chimie de Boerhave, et surtout pour qu'il ignore que je suis au monde.
Réponse prompte mon cher abbé.
Pardon, j'ay encor un petit mot à ajouter pour le secrétaire que vous m'envoyez. Il faudroit qu'il fût monté sur de petites roulettes de cuivre pratiquées dans les pieds.
Autant en faut au nécessaire que je vous suplie de presser. Je vous embrasse.