[c. 12 February 1759]

Non pas s'il vous plait, mon cher monsieur, non je n'abandonnerai point la poursuitte de L'infamie qu'un genevois chassé de sa ville est venu faire à Lausane.
Vous ferez pendre Vatteville et vous ferez bien. Et moy je feray très bien de faire punir Grasset, moins fou que Vatteville, et plus scélérat. C'est une chose honteuse qu'on souffre et qu'on veuille excuser dans Lausane un œuvre de ténèbres contre un homme qui est publiquement honoré de votre amitié, qui voulait vivre et mourir dans votre ville, et qui en vérité y faisait plus de bien qu'un Anglais. Cela n'est ny sensé, ny honnête.

Je vous montrerai les vers du roy de Prusse dès que je pourai venir vous voir, et je ne le pourai que quand ceux qui sont chargez par le conseil de Berne de faire leur devoir, l'auront fait.

Je compte toujours sur votre amitié, et c'est ce qui m'attache à Lausane.

Voicy quelque chose qui doit un peu détacher les rois des jésuittes. Comment peut on laisser entrer ces monstres dans une ville policée? et c'est dans Genève qu'ils viennent dire la messe! Voilà un plaisant contraste.

Pardon, on s'est emparé du petit bulletin de Lisbonne dont on est rafolé icy et que je voulais vous envoier: on y trouve les noms des jésuittes qui ont tramé la conspiration, et qui ont fait des neuvaines et dit des messes pour son heureux succez. Les hommes n'ouvriront ils jamais les yeux? Vous verrez dans trois mois les jésuittes plus fiers et plus puissants que jamais.

Vous voylà dit on bientôt notre allié, car on prétend que la Hollande n'est pas plus contente de l'Angleterre que nous. C'est un suisse qui réunit les intérêts de la France et de la Hollande, mais je suis bien plus sûr monsieur des sentiments qui m'attachent à vous que des liens qui unissent pour un temps les nations. Mes nièces vous regrettent toujours baucoup, nous en disons autant à m^r et à m^e Constant. Mille tendres respects à vos dames.

Instruisez moy je vous en prie de l'arrest de la rue du Bourg.