1759-02-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Élie Bertrand.

Mons cher ami, Le voleur Grasset, imprimeur du Libelle diffamatoire, et le prétendu bel esprit rédacteur de cet infâme ouvrage, trouvent dans Lausanne de la protection; et surtout auprès des éxaminateurs de L'accadémie, dont un membre est associé avec Grasset; ils remuent ciel et terre, et font servir, selon l'usage, le prétexte de la religion pour justifier leur brigandage.
Je me flatte qu'ils ne trouveront pas la même faveur auprès des esprits désintéressés, nobles et éclairés des seigneurs de Berne leurs maitres; j'ai lû ce libelle, déjà proscrit à Genêve et en France, et dont deux ballots ont été saisis. J'envoïe un nouveau mémoire aux seigneurs avoïers, aux seigneurs curateurs; et sur tout à nôtre respectable Monsieur de Freudenreickh. L'accadémie de Lausanne lui manque formellement de respect en protégeant un Libelle contre moi, malgré la bonté qu'il a eüe de me recommander à Lausanne, quand il est venu dans ce païs au nom de L'Etat; je vous prie de Lire mon mémoire, qui est entre les mains de Monsieur Freudenreickh et de mettre dans cette affaire toute l'activité de vôtre zêle prudent, et de vôtre amitié.

Si les jésuittes ont comploté, comme on l'assure l'assassinat du Roi de Portugal, ils sont un peu plus coupables que vos gens de Lausane.

Felices nimium sua cum bona norint
agricolæ.

V.