1759-02-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à David Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches.

Vous risquez toujours votre vie en Suisse monsieur.
On vous a coupé des arterres chez moy, vous deviez naturellement vous attendre à un coup de fusil de la part du fou Vateville, et son pauvre gouverneur, qui sûrement n'a pas une si belle femme, a payé pour vous. Cette avanture horrible nous a fait frémir. Il me semble que l'hiver passé nous menions une vie plus douce. Vous m'avez reproché mon velours de trois couleurs, avouez que la couleur de Lausanne est un peu rembrunie. Au lieu de venir applaudir à vos talents, et de jouir de vos charmants spectacles un précepteur de Mr Constant devenu ministre fait des libelles; des associez de scandale impriment des impertinences; un Grasset voleur public à Geneve et chassé de sa ville les imprime. Le conseil de Berne fait des perquisitions. Rien de tout cela ne se passe dans mes châtaux, la paix, le travail, l'abondance y habitent. Il ne m'y manque que votre société délicieuse. J'en jouirai sûrement avant votre départ. J'espère que mr Constant me conservera toujours les mêmes sentiments et que madame d'Hermanche et ces dames me conserveront toujours les mêmes bontez.

Que dites vous du roy de Prusse qui m'envoye deux cent vers sur la mort de sa sœur?