aux Délices 26 janvier [1759]
J'allais monsieur vous faire mon triste compliment lorsque j'ay reçu votre lettre.
La première idée que j'ay eüe a été la crainte que votre régiment ne reçût quelque contrecoup de ce triste événement. Mais vous me rassurez en me disant que M. le prince de Brunswik est à la tête de tout. Je désire passioném͞t qu'il ait autant de crédit que de bonne volonté, et qu'on ne sacrifie pas les plus belles trouppes de terre, à la marine. Je conçois qu'il n'y a pas moyen de vous prêter cet hiver à vos amusements. Oserais-je vous supplier de vouloir bien dans vos moments de loisir, m'instruire de votre sort? Vous ne pouvez avoir cette condescendance pour quelqu'un qui prenne un intérest plus vif que moy à tout ce qui vous regarde. Vos singuliers talents et les agréments de votre esprit ne sont pas le seul mérite qui m'attache à vous. Vous devez aller à grands pas aux places que Monsieur le général Constant a si dignement remplies. J'espère que la mort de S. A. R. ne nuira point à votre avancement. J'ay peur que ces circomstances ne vous rappellent en Hollande. En ce cas je quitterais bien vite mes petits châtaux et mes ouvriers pour venir prendre congé de vous.
Mr de Bentink est il du conseil de tutelle? Il paraît qu'il n'est pas de celuy de sa femme. Elle dépense un argent infini à courir, et à le plaider. Si elle s'était tenue tranquile elle serait àprésent plus riche que luy. Toutte ma famille vous présente ses obésissances. Je prie madame d'Hermanche et touttes vos dames de vouloir bien agréer mon profond respect.
V.
Me voicy velours à trois couleurs, français, genevois et suisse. On en est infiniment plus libre, et c'est à quoy j'ay toujours visé.