1761-10-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul.
Ecoutez, rien n'a mieux réussi
Que votre sacré reliquaire
Envoyé dans Fernnex de la part du St Père
Tout le peuple hérétique en est fort en souci
Chacun voit, chacun dit ici
Qu'en ma maison la grâce abonde,
Et qu'ayant du crédit chez vous en l'autre monde
J'en dois avoir en celui-ci.

Monseigneur, je suis vain comme un poète. Un poète fait l'entendu, et je laisse croire que vous m'honorez de vos bontés jusqu'à me permettre de vous importuner au milieu de vos occupations importantes.

Mr Cromelin, qui a beaucoup d'esprit, vous dira plus éloquemment que moi ce dont il s'agit, il vous dira que mr le général Constant s'est battu comme un diable pendant quarante ans contre nous, et qu'il faut que ses enfants se battent pour nous; il vous dira que cette famille noble appartient de droit à la France, puisqu'elle est originaire de la ville d'Aire, et qu'il est clair qu'ils sont Français, attendu qu'ils sont très aimables et que leurs femmes sont charmantes. Et puis que demandent ils? d'être reconnus pour ce qu'ils sont; il y a tant de gens qui veulent être ce qu'ils ne sont pas. Je connais vingt faiseurs de vers à qui je refuserais tout net des lettres patentes de poètes; mais comment refuser à messieurs Constant la qualité de gentilshommes qu'ils ont chez eux et qu'ils ont si dignement soutenue.

Pardonnez, monseigneur, la liberté grande de moi Suisse, le plus franc de tous les Suisses, le plus reconnaissant de vos bontés, attaché pour jamais à votre personne avec le plus profond respect

V.