1761-10-23, de Françoise Charlotte Constant de Rebecque à François Marc Samuel Constant de Rebecque.

…Nous avons diné à Fernnex avec le Duc.
Voltaire nous a lu son admirable Tragédie qui est son chef d'œuvre au dire de tout ceux qu'il l'ont entenduë, même du Duc qui comme tu sait n'est pas flateur. Elle a été imaginée, fait, finie et envoyée à Paris dans six jours ni plus ni moin, tous les actes en feroit un beau cinqtième quoi qu'ils s'amennent merveilleusement les uns les autres et que l'intérêt croisse toujour. Le sujet est tout neuf, L'apareil superbe et presque tous les vers admirables. Je ne te parle pas d'après moi come tu pence bien, ce que je puis t'en dire c'est qu'ayant pleuré depuis la 4ème sène jusqu'à la dernière j'en suis encore émuë et étonnée. Je voudroit bien t'en savoir faire l'annalise mais vient la lire si tu veut. Le titre est Statira fille de Darius et veuve D'Alexendre. J'ai parlé à mr. de Voltaire du Changement de ministère. Il m'a dit que cela ne faisoit rien à nos affaires, que mr de Choiseul recomanderoit sûrement la chose à son frère très fortement et que d'en parler davantage auroit l'air de demander une grâce mais que si la chose faisoit la moindre dificulté, ce qui ne pouvoit être, il en écriroit à Mr. de Nicolaï premier président de la Chambre des contes qui les lèveroit touttes et nous feroit accorder d'abord une chose qu'on ne pouvoit nous refuser.