1762-03-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Élisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian.

Ma chère nièce, je n'ai qu'un moment pour vous dire combien je vous approuve et vous félicite.
Il n'y a rien de si doux ni de si sage que d'épouser son ami intime. Vos arrangements dont vous voulez bien me faire part, me paraissent très convenables pour toutes les parties intéressées. Ornoi y gagnera; votre château s'embellira; la vie y sera plus animée. Tout le mal est dans cette horrible distance de votre château au mien.

Je vous prierai de m'instruire du jour de votre départ. Il faut qu'un oncle s'arrange pour un petit présent de noces. Je voudrais bien être de la cérémonie et signer au contrat. Je vais annoncer dans l'instant cette nouvelle à made Denis qui répète actuellement son rôle de Statira, et qui le jouera bientôt sur un théâtre mieux entendu, mieux orné, mieux éclairé que celui de Paris.

Je suis très fâché de ne vous pas marier dans mon église en présence d'un grand Jésu, doré comme un calice, qui a l'air d'un empereur romain, et à qui j'ai ôté sa physionomie niaise. Nous vous donnerions vraiment une belle fête, car nous sommes en train, et la tête m'en tourne.

Made Denis arrive; elle pense comme moi; nous vous embrassons tendrement vous et le grand écuyer de Cirus devenu mon neveu.