Le 3 d'auguste [1770]
Mon cher grand écuyer de Cyrus, buvez à ma santé le jour de la noce vous et made de Florian.
L'homme du monde qui a le moins l'air d'un garçon de la noce, c'est moi. Si mon cœur décidait de ma conduite, j'assisterais au mariage. Ma chétive santé et mon âge ne me laissent prétendre à d'autre sacrement pour ma personne que celui de l'extrême onction. Je passe mes derniers jours à établir une colonie. Je ne jouirai pas du fruit de mes travaux; il est beaucoup plus aisé de marier un jeune conseiller du parlement, que de loger et d'accorder une trentaine de familles. Cependt nous travaillons jour et nuit à présenter à la nouvelle mariée les fruits de notre nouvel établissement. Nous avons fait une montre assez jolie, et qui sera fort bonne. Nos artistes sont excellents; il n'y en a point de meilleurs à Paris, mais leur transmigration ne leur a pas permis d'aller aussi vite en besogne que M. d'Ornoi. Il se marie le 7, et nous ne serons prêts que le 15. Nous enverrons notre offrande, made Denis et moi, par m. d'Ogny à qui nous l'adresserons. Nos fabricants ont voulu absolument mettre mon portrait à la montre. Puisque Pigal m'a sculpté, il faut bien que je souffre qu'on me peigne. J'ai toute honte bue.
J'embrasse tendrement le nouveau marié, sa mère et son oncle le Turc.
Je fais grand cas de votre philosophie qui vous ramène à la campagne. J'aime à être encouragé par votre exemple, à chérir la solitude, et à fuir le tracas du monde.
On ne peut vous être plus tendrement dévoué que l'ermite de Ferney.