1758-08-23, de Laurent Angliviel de La Beaumelle à Pierre Louis Moreau de Maupertuis.

Depuis l'envoi que je vous fis de mes feuilles, j'ai toujours été en voyage.
J'allai à Uzès pour en voir le duc. Il me montra sa correspondance avec Voltaire et même m'en promit copie. Le roi de Prusse y est maltraité. D'Uzès j'allai à Avignon corriger quelques épreuves de mes feuilles, dont je ne vous envoyai pas la suite, parce qu'ayant manqué un courrier je crus que je n'y étais plus à temps et que vous étiez déjà à Berlin. D'avignon je me rendis à Beaucaire. Depuis, j'ai perdu de vue ce petit ouvrage que je reprendrai à mon premier loisir. Je vous remercie de m'avoir dit en véritable ami votre sentiment sur la lettre du baron allemand. Je la supprimerai en entier: mais pourquoi ajoutez vous que si vous étiez ministre de Louis XV vous vengeriez son bisaïeul? Vous supposez donc que si vous étiez ministre, vous ne seriez ni juste ni sage. Je suis très mécontent du président Hénault. A mon retour de Hollande, il m'offensa bien plus grièvement que je ne l'offense par la vérité que je dis de lui, vérité qui d'ailleurs est contre Voltaire, l'éternel panégyriste d'un assez mauvais livre de chronologie. Je n'ai encore vu personne qui ait usé de ménagements avec moi. Je n'en veux plus user avec qui que ce soit. Vœ qui me commorit. Je n'ai écrit contre aucun homme de lettres, si l'on excepte Voltaire. Cependant il en est trente qui sont acharnés contre moi. Qu'ai je fait à Fréron? Il est honteux de s'abandonner soi même, et l'on s'abandonne si l'on ne se venge. Du reste, il y aura de l'équité jusque dans ma vengeance….