Nimes ce 7 mai 1758
Votre lettre, Monsieur, en date du 1r mai a retardé de quelques jours, je ne la reçois qu'en ce moment.
Je n'étois point tranquille sur votre compte. Diverses personnes m'avoient allarmé, & surtout Mr de La Condamine qui m'avoit conté vos inquiétudes sur le silence de Made de Maupertuis, que vous supposiez morte de chagrin d'avoir vu mourir Made de Redern son amie.
Je suis ravi que vous preniez la route de Lyon. Si vous m'aviez marqué le jour de votre arrivée à Montpellier, je m'y rendrois, afin de jouir plus lontems du bonheur de vous revoir enfin. Si vous vous arrêtez à Narbonne, marquez moi quand vous passerez à Montpellier, & où vous irez loger, afin que je ne perde pas un tems précieux à vous chercher. De Montpellier je viendrois ici avec vous. Je remercierai Mr Seguier de votre part.
Un libraire d'Avignon, qui jusqu'ici a contrefait ce qu'il appelle mes ouvrages & qui n'a pas eu lieu dit-il, de s'en repentir, est venu me trouver à Nîmes. Je lui ai parlé de mon édition de Voltaire. Il m'a dit qu'on obtiendroit aisément une permission. Je lui ai répondu que j'en voulois une par écrit. Il m'a demandé un mémoire pour le Père Inquisiteur: J'ai fait ce mémoire: j'y expose divers motifs propres à faire regarder par des moines mon édition comme un préservatif contre les venins divers de Voltaire. J'attends une réponse. Le libraire trouve cette entreprise si bonne, qu'il voudroit être de moitié, quel nombre d'exemplaires qu'on fit imprimer de l'ouvrage.
J'ai l'honneur d'être avec toutes sortes d'amitiés & de respects, Monsieur, votre très humble & très obéissant serviteur
La Beaumelle
P. S. J'écris à Narbonne, à Mr de Marcorelli & à vous. J'écrivis hier à Catt, à ce Catt que j'avois un peu détourné d'aller à Berlin, où le roi qui l'avoit connu dans une barque d'Utrecht l'appelloit.