1758-08-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Je vous trompais donc madame comme vous m'avez trompé.
J'aurai l'honneur de vous revoir plustôt que je ne vous l'avais dit. Je passerai par Neufchatel au lieu de passer par Berne, je verrai milord Marechal afin d'avoir des nouvelles de touttes les façons à vous raporter. Si vous avez eu la bonté de m'écrire à Soleure chez l'ambassadeur de France la lettre me sera rendue à Lausane. Je compte dans cinq ou six jours au plus tard avoir un des plus grands plaisirs que j'aye sentis en ma vie, j'y ajouterai celuy de vous gronder. Mon dieu madame que j'ay de choses à vous dire! que notre roman est singulier! nous reprendrons le fil de nos avantures depuis 1753. Cela doit contenir un tome de Cassandre ou de Cirus. Il est vrai que pour une héroine vous n'êtes pas trop bien logée à Monrion avec vos écuiers. Mais vous savez que les princesses et les chevaliers errants avaient quelquefois de fort mauvais gites. Adieu Mandâne, adieu Statira. Je n'ay pas l'honneur d'être votre écuier mais je vous suis attaché avec tous les sentiments respectueux des chevaliers du temps passé.

V.

Point du tout, je ne passerai point par Neufchatel, mais par Berne, et j'auray la consolation de vous faire plustôt ma cour. Je ne passerai pas même par Berne, pour acourcir le chemin.