1758-08-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Louise Denis.

Le pigeon avance toujours vers le colombier et quoy que ce ne soit pas à tire d'aile, il arrivera pourtant plustôt qu'il ne l'avait promis.
Rien n'est si fidèle qu'un vieux pigeon. Je pourai bien prendre ma route par Neufchatel ma chère enfant. Il n'y a guère plus loin par ce chemin que par Berne. Je serai bien aise de causer avec mylord maréchal et de savoir des nouvelles véritables de la position du Roi de Prusse. Il est bon d'avoir des amis partout. Non je passerai par Berne.

J'ay toujours Champigneles dans la tête, il me faut des châtaux et j'en fais en Espagne. Ne m'écrivez point à Soleure.

Les Russes sont à Francfort-sur-l'Oder, chez notre bon ami, mais il a toujours une forte armée. Dix mille Anglais avancent par l'Ost Frise. La balance est égale quoi qu'on dise et le résultat de tout ceci est que la France se ruine et que les marquets auront bientôt de quoi l'acheter. Pour nous autres tâchons d'acheter un château, on n'est bien que chez soi, loin des folies et des horreurs et des sottises du monde. Vive la paix et l'indépendance appuyée sur l'aisance et embellie par les belles lettres. Vive surtout la Tessalie, je crois que vous l'habitez quelquefois. J'espère vous y voir bientôt entre Admette et Alceste….