1758-06-14, de Denis Diderot à Voltaire [François Marie Arouet].

Si je veux de vos articles, monsieur et cher maître! Est ce qu'il peut y avoir de doute à cela? est ce qu'il ne faudroit pas faire le voyage de Geneve et aller vous les demander à genoux, si on ne pouvoit les obtenir qu'à ce prix?
Choisissez. Ecrivez. Envoyez, et envoyez souvent. Je n'ai pu accepter vos offres plutôt; mon arrangement avec Les libraires est à peine Conclu. Nous avons fait ensemble un beau traité comme celui du Diable et du paysan de la Fontaine. Les feuilles sont pour moi; Le grain est pour eux. Mais aumoins ces feuilles me sont assurées. Voilà ce que J'ai gagné à la désertion de mon Collègue. Vous sçavez sans doute qu'il continuera de donner sa partie mathématique. Il n'a pas dépendu de moi qu'il ne fit mieux. Je croyois l'avoir ébranlé; mais il faut qu'il se promène. Il est tourmenté du désir de voir L'Italie. Qu'il aille donc en Italie. Je serai content de lui s'il revient heureux. Monsieur d'Argental, qui a de la bonté pour moi, parce qu'il me voit un attachement peu commun pour vous, m'a remis Les morceaux que vous aviez préparés pour Le huitième volume. Acceptez Le remerciment que je vous en fais. Surtout pardonnez moi ma paresse. Aimez moi toujours, et croyez que, quand vous ne m'aimeriez plus, Je n'en conserverois pas moins Le dévouement, et Le respect que je vous ai voués et avec Les quels il faut que je sois pour toujours,

Monsieur et cher maître,

Votre très humble et très obéissant serviteur

Diderot