à Geneve le 9 Juillet 1771
M.,
Je suis bien loin de mettre de l’importance aux querelles de vos nouveaux vasseaux avec les souverains de Geneve, mais on m’a porté des plaintes en forme, on a chargé M. Necker d’en porter.
Il a fallu me mettre en règle. J’envoyerai toutes les pièces à la Cour. J’ai déjà prévenu M. le D. d’Aiguillon sur ces misères, comme vous l’auriez fait vous même, en lui disant que tant qu’il n’y auroit que des paroles entres des voisins qui doivent se détester il ne paroissoit pas qu’il y eût autre chose à faire que de recommander la sagesse de part et d’autre. Mais vous vous appercevrez comme moi M. du motif qui détermine Mrs de Geneve. Ils veulent sonder les dispo͞ons du nouveau ministre et je ne doute pas qu’on employe tous les moyens possibles pour lui donner [ . . . ] la plus mauvaise idée des Emigrans. Faites de votre côté ce que vous pourre[z] pour prévenir qu’on ne réussisse. Il en résulteroit plus d’un mal. Vous sçavez que Deluc ne porte plus l’épée depuis la disgrâce de M. le d. de Ch. On se flatte que M. le D. d’Aiguillon applaudira à tout ce qui s’est fait à Geneve et détruira l’ouvrage de son prédécesseur; mais j’espère que ce ministre se fera de bonne heure une idée juste de la manière dont il convient de traiter un peuple qui a souvent oublié sa petitesse, et qui pour son avantage même doit être contenu dans la crainte de nous déplaire.
Ni mad. Denis ni vous M. ne devez douter de ma vigilance à écarter tous les obstacles qui peuvent retarder le bien dont vous vous occupez. Je ferois davantage si je sçavois comment les Bureaux vont être établis. On me parle de changemens dans cette partie, mais ce ne sont encore que des bruits.
J’ai remarqué avec peine, M., le Cérémonial de votre lettre. Ne changez rien je vous prie à la manière dont vous m’avez toujours traité puisque je ne changerai jamais dans le désir de vous donner en toute occation des preuves de mon respectueux dévouement.
H.
Les Plantes qui se multiplient et que nous cultivons nous même nous retiennent dans notre jardin. Je compte cependant au premier jour aller admirer vos récoltes en tout genre. Si tous les gens qui se querellent sur la surface du globe vouloient ne s’occuper que des dons de la nature, je crois que ce grain de sable seroit le meilleur des mondes.