1767-02-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean André Deluc.

M. Deluc doit faire convenir m. J. J. R. de la valeur du mot imprudent.
L'imprudent est celui qui, pouvant vivre heureux chez lui, s'est mis au point de n'avoir ni feu ni lieu. Qui a changé de religion trois fois. Qui s'est pâmé de joie en communiant de la main de m. de Montmolin et qui, le lendemain, a écrit contre son prédicant. Qui a barbouillé une comédie et qui, ensuite, a barbouillé du papier contre la comédie. Qui s'est mêlé de laver les prédicants de Genève de l'accusation de socinianisme et qui ensuite a imprimé qu'ils étaient Sociniens. Qui s'est fait avocat pour et contre sans en être prié de personne, comme l'avocat Breniquet. L'imprudent est celui qui s'est brouillé avec tous ses amis et avec ses bienfaiteurs. On conseille à J. J. de ne plus se contredire, de tâcher de vivre heureux et alors il sera prudent, mais comme il n'a jamais eu la simplicité de la colombe il ne faudra pas qu'il ait la prudence du serpent.

NB. Si dans la lettre de J. J. à m. Deluc il y a impudent et non imprudent il faut encore le faire convenir qu'un impudent est celui qui ayant dit, écrit et fait tant de sottises, veut qu'on lui érige une statue . . . .