1765-03-18, de Charles Michel de Villette, marquis Du Plessis-Villette à Catherine Louise Cordier de Launay, marquise d'Azy.

Recevez tous mes compliments, ma chère tante, il n'y a peut-être au monde que vous qui puissiez être affectée de la joie que ressent aujourd'hui m. de Voltaire. Je suis bien sûr que vous répandez comme lui des larmes d'attendrissement. C'est la seule récompense qu'il prétende obtenir pour une entreprise dont il n'y a que la générosité qui puisse égaler la hardiesse et pour laquelle il n'est plus permis à la reconnaissance publique de lui frapper une médaille.

Vous croyez bien, ma chère tante, que je n'ai pas manqué de rendre compte à mr de Voltaire de toutes vos bonnes œuvres. Je n'ai pas hésité de l'assurer que si la mère des Calas faisait une liste de ses bienfaiteurs votre nom y serait écrit en lettres d'or. La dernière lettre qu'il reçoit justifie ce que j'ai dit, puisque ces pauvres gens vous accusent vous, madame la marquise d'Asi, d'avoir été les visiter dans leur prison. J'en suis fâché pour votre modestie, mais voilà comme tout se découvre.

Vous saviez bien que m. de Voltaire est un grand homme, mais peut-être ne savez-vous pas que c'est un bon homme, que c'est la simplicité, la candeur même, qu'il a cent fois moins de prétention que mr Poinsinet, et qu'il cause aussi familièrement que s'il n'eût pas fait la Henriade. On fait 150 lieues pour trouver ce médecin des corps qui ne les a pas tous ressuscités. Le médecin de l'âme est à Ferney. Quiconque se pique d'en avoir une, doit adorer celle du sauveur des Calas.