1775-10-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Joseph Panckoucke.

Ne nous flattons point, mon cher Monsieur, plus on est sage, moins on protègera ouvertement les sages un peu trop hardis, qui ont sacrifié publiquement à la raison.
Malheur à nos sages s'ils n'avaient jamais que la simplicité de la colombe sans la prudence du serpent. Vôtre prudence me rassure. J'écris en Russie et en Pologne puisque vous le désirez. Mais en vérité je ne puis m'adresser directement ni à L'impératrice, ni au Roi. L'Impératrice a déjà acheté tant de breloques, que je n'ose lui en proposer de nouvelles, et à l'égard du Roi il y aurait de l'indiscrétion à ne pas ménager sa bourse. Je commence d'ailleurs à croire que toutes ces petites quinquailleries se débiteront fort bien, quoi qu'on les vende un peu cher. Elles coûtent cinquante écus, et j'ai été témoin qu'on en a acheté beaucoup: vous en ferez vendre aux foires après les grandes marionettes.

N'est-ce pas vous, Monsieur, qui avez fait une jolie édition de la bibliothèque bleue? Je vous avoue que j'aime mieux Jean de Paris, Oger le Danois, Robert le diable, et les douze pairs de Charlemagne que toutes les belles choses ennuieuses qu'on nous donne aujourd'hui. Je vous prie de m'envoier vôtre bibliothèque bleue, je vous serai très obligé.

V. t. h. o. sr.

V.