16e Xbre 1770
Je m'en étais douté, il y a trente ans que son âme n'était que molle, et point du tout sensible; qu'il concentrait tout dans sa petite vanité; qu'il avait l'esprit faible et le cœur dur; qu'il était content pourvu que la reine trouvât son stile meilleur que celui de Moncrif, et que deux femmes se le disputassent.
Mais je ne le disais à personne, je ne disais pas même que ses étrennes mignones ont été commencées par Du Molard et faites par l'abbé Boudot.
Je reprends toutes les louanges que je lui ai données.
Je voudrais, Madame, que vous sçussiez ce que c'est que ce bréviaire, ce ramas d'antiennes et de réponses en latin de cuisine! Apparemment que ce pauvre homme voulait faire sa cour à Dieu comme à la Reine par de mauvais vers.
Je suis dans la plus grande colère, je suis si indigné que je pardonne prèsque au misérable La Beaumelle d'avoir si maltraitté les étrennes mignones du président. Quoi! ne vous pas laisser la mondre marque d'amitié dans son testament, après vous avoir dit pendant quarante ans qu'il vous aimait! Sa petit âme ne voulait qu'une réputation viagère. Je suis très persuadé que l'âme noble de vôtre grand-maman trouvera celà bien infâme.
Vous voulez des vers pour la bibliothèque bleue; vous vous adressez très bien; en voicy qui sont dignes d'elle.
N'est-il pas vrai, Madame, que nous n'aurons point la guerre? C'est une obligation que la France aura encor au mari de vôtre grand-maman.
Je veux que vous m'écriviez d'oresnavant à coeur ouvert, nous n'avons rien à dissimuler ensemble. Mais quelque chose que vous aiez la bonté de m'écrire, faittes contresigner par vôtre grand maman, ou envoiez vôtre Lettre chez Mr Marin, secrétaire général de la Librairie, rue des filles st Thomas, qui me la fera tenir très sûrement, le tout pour cause.