1776-07-01, de — Cambry de Kansquer à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je suis bas breton, tous mes parens vous donnent au diable, j'ai étudié sous le professeur Cogé, et cependant, je suis rempli d'admiration pour vous.

Les homages brillans qu'on vous a rendu, ne doivent point vous faire dédaigner ceux des gens obscurs; Jesus Christ reçut le tribut des rois, il ne refusa pas les fleurs et les colombes des bergers.

A peine ais-je quitté L'enfance; j'ai beaucoup voyagé, j'ai traversé les mers, j'ai vu les contrées lointaines, une bonne partie de L'Europe; et je verrai Vernay; je veux pouvoir dire: et moi aussi, je l'ai vu, ce Voltaire.

Je vous envoie le portrait d'un bon curé, il est mort dans une des terres de mon père la semaine passée; je me suis chargé de son oraison funèbre, puisse t'elle vous arracher un sourir: Jeannot ne veut pas qu'on pleure même sur son tombeau.

J'ai L'honneur d'être avec respect

Votre très humble et très obéissant

Serviteur
Cambry De Kyausquer

Dieu fasse paix au bon curé Jeannot!
Qui de son temps vécut comme un saint homme;
Mangeant son christ, avalant le rogomme,
Paillard au lit, à l'église dévot;
Il ne connut ny Geneve ny Rome:
Voilà quel fut le bon curé Jeannot.
Il lisoit peu, si ce n'est sur le tard
Pour s'endormir; . . . il prenoit au hazard
La fleur des saints, Roland, Mathieu guargile
Robert le diable, ou le saint êvangile.