aux Délices 22 mars 1758
Je n'ai reçu, monsieur, que depuis très peu de jours, dans ma campagne où je suis de retour, la lettre pleine d'esprit et de grâces dont vous m'avez honoré, accompagnée de votre livre qui me rend encore votre lettre plus précieuse.
Je ne sais quel contretemps a pu retarder un présent si flatteur pour moi. J'ai lu vos fables avec tout le plaisir qu'on doit sentir, quand on voit la raison ornée des charmes de l'esprit. Il y en a qui respirent la philosophie la plus digne de l'homme. Celles du Merle, du Patriarche, des Fourmis, sont de ce nombre. De telles fables sont du sublime écrit avec naïveté. Vous avez le mérite du style, celui de l'invention, dans un genre où tout paraissait avoir été dit. Je vous remercie et je vous félicite. Je donnerais ici plus d'étendue à tous les sentiments que vous m'inspirez, si le mauvais état de ma santé me permettait les longues lettres. Je peux à peine dicter, mais je ne suis pas moins sensible à votre mérite et à votre présent.
J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime que je vous dois.