1758-03-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacob Vernes.

Je ne sçais comment cela s'est fait mon cher monsieur, mais quand on vendait l'ode à Lausane pour un cruche, tout le monde disait qu'elle était de vous et tout le monde avait cette ode hors moy qui n'ay jamais montré à personne le manuscr.
que vous m'avez envoyé et qui n'en ai jamais parlé. On l'a imprimée sous mon nom à Ratisbone, le fiscal de l'empire n'en a pas été édifié. Il pourait bien instrumenter contre moy ainsi que contre le Roy de Prusse. Il est très permis de louer un grand prince après tout le bien qu'il a fait, mais il ne l'est pas trop d'attaquer la Russie, l'Autriche et la France à moins qu'on n'ait une armée. Je suis très affligé de cette affaire. Elle ne fera aucun bien au roy de Prusse et peut me faire baucoup de mal. Si vous ne vouliez pas qu'on sût que L'ode était de vous pourquoy la faire imprimer? Enfin la chose est faitte. Je ne vous en aime pas moins, et j'ay grande envie de vous revoir. Nous jouons aujourdui jeudy, et samedy. Bonsoir.

V.