1757-05-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Vous noterez, s'il vous plait mon cher et ancien ami, et je vous confie tout doucement qu'il y a dans le pays que j'habite trois ou quatre personnes qui sont encore du seizième siècle.
Elles ont été fâchées de voir dans le mercure que tout le monde convenait vers le lac Leman que Calvin avait une âme atroce. Ces gens là disent qu'ils n'en conviennent point. Je crois qu'on pourait pour satisfaire leur délicatesse leur permettre même de penser que l'âme de Calvin était douce. La mienne est tranquile et je ne veux point choquer d'honnêtes gens avec les quels je vis en très bonne intelligence. Vous me feriez plaisir de me mander qu'on a imprimé cette lettre sur une copie infidèle comme sont touttes celles qu'on fait courir manuscrites, que dans celle que vous avez reçue de ma main il y a âme trop austère et non pas âme atroce. En effet autant qu'il peut m'en souvenir, c'était là la véritable leçon. Cette petite attention de votre part ferait un très grand plaisir à des personnes que je dois ménager et je vous en serais très obligé. La paix est après la santé le plus grand des biens.

Je ne sçais quand le Roy de Prusse la donnera à l'Allemagne. Ce sera quand il voudra, car s'il achève la campagne comme il l'a commencée il donnera des loix.

Ce serait une chose bien glorieuse pour la France si son armée réparait les pertes des autrichiens. Il serait beau après avoir résisté deux cent ans à l'Autriche d'être son seul apuy.

Avez vous vu la pièce nouvelle? parait il quelque bon livre? êtes vous toujours cazanier? n'aurez vous jamais le courage d'exécuter votre ancien projet de voir notre lac et vos anciens amis?

V.