à Lausane 17 janvier [1758]
Malgré les houzards d'Hilbourgausen voicy encor une lettre mon cher correspondant, et les mesures sont prises pour que ce petit commerce de galanterie, ne soit pas interrompu.
S'il y a du mal je m'en lave les mains. Je suis comme la bonne vieille qui disait, il est vray que je les ai mis tous deux au lit, mais je ne me mêle de rien.
L'évêque de Breslau s'est enfui en Moravie et a abandonné son troupau. L'impératrice court les processions et fait des neuvaines pour son carnaval. Le Roy de Prusse a fait mettre en prison un certain Kiou, ou Kieu, général d'infanterie le lendemain qu'il a été nommé général.
Ces nouvelles sont assez inutiles, la personne respectable à qui mon cher correspondant donnera l'incluse, apprendra peutêtre une autre nouvelle en lisant cette lettre, c'est qu'on désire la paix très sincèrement. La paix et la Silesie sont deux bonnes choses. Le roy de Prusse en a déjà une, et qui sait si S. E. ne pourait pas parvenir à donner l'autre? Ses conseils ne doivent ils pas être écoutez? n'est il pas à portée de les donner et n'en a t'on pas un besoin qui deviendra tous les jours plus grand? Pour moy j'espère en sa prudence et en ses lumières.
On dit en Allemagne que si Le Roi de Prusse envoye quinze mille hommes du côté de Cassel, l'armée française délabrée poura se trouver en presse entre mrs de Prusse et messieurs de Hanovre. Franchement il serait bien humiliant d'être frotté deux fois par le marquis.
En vérité il serait digne de S. E. de prévenir tous les désastres, mais je dois me borner à faire des souhaits, et m'en tenir au rôle de la bonne vieille.
J'ay pourtant une chose assez grave à dire et sur la quelle S. E. peut compter, c'est que le Roi de Prusse n'aime point du tout les anglais, et se soucie fort peu de Hanovre. Je serais fâché que S. E. se souciast aussi peu de remédier à nos fautes. Je suis persuadé qu'il peut faire baucoup de bien, et qu'il peut empécher qu'on se conduise par dépit et par pique.
Que sont devenus cependant ces tapis de Turquie pris aux anglais et vendus à Marseille? S'ils étaient à bon marché je serais charmé de fouler aux pieds les richesses anglaises.
Adieu mon cher ami. L'oncle et la nièce vous embrassent de toutes leurs forces.
V.