1757-09-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth.

Made mon cœur est touché plus que jamais de la bonté et de la confiance que vous daignez me témoigner.
Comment ne serais je pas attendri avec transport? Je vois que c'est uniquement votre belle âme qui vous rend malheureuse. Je me sens né pour être attaché avec idolâtrie à des esprits supérieurs et sensibles qui pensent comme vous. Vous savez combien dans le fonds j'ay toujours été attaché au roy votre frère. Plus ma vieillesse est tranquile, plus j'ay renoncé à tout, plus je me suis fait une patrie de la retraitte, et plus je suis dévoué à ce roy philosofe. Je ne luy écris rien que je ne pense du fonds de mon cœur, rien que je ne croie très vrai, et si ma lettre parait convenable à v. a. r. je la supplie de la protéger auprès de luy comme les précédentes.

V.A.R. trouvera dans cette lettre des choses qui se raportent à ce qu'elle a pensé elle même. Quoy que mes premières insinuations pour la paix n'aient pas réussi, je suis persuadé qu'elles peuvent enfin avoir du succez. Permettez que j'ose vous communiquer une de mes idées. J'imagine que le maréchal de Richelieu serait flatté qu'on s'adressât à luy. Je crois qu'il pense qu'il est nécessaire de tenir une ballance, et qu'il serait fort aise que le service du roy son maître s'acordât avec l'intérest de ses alliez et avec les vôtres. Si dans l'occasion vous voulez le faire sonder, cela ne serait pas difficile. Personne ne serait plus propre que m. de Richelieu à remplir un tel ministère. Je ne prends la liberté d'en parler made que dans la supposition que le roy Votre frère fût obligé de prendre ce party, et j'ose vous dire qu'en ce cas il vous aurait baucoup d'obligation quand même les conjonctions le forceraient à faire des sacrifices. Je hazarde cette idée, non pas comme une proposition, encor moins comme un conseil, il ne m'apartient pas d'oser en donner, mais comme un simple souhait qui n'a sa source que dans mon zèle.