à Colmar 16 mars 1754
Il n'est pas juste Monseigneur que vous ayez dans votre bibliotèque Le premier volume d'un mauvais livre sans avoir le second.
Dieu mercy il n'y en a pas davantage.
Vous avez la goutte comme Charles quint, mais je me flatte que vous n'abdiquerez pas comme luy, et qu'il n'y aura jamais pour vous d'hieronimites. Ce qu'il y a d'affreux c'est qu'il faut qu'un secrétaire d'état travaille quand il est malade, et qu'un empereur peut se reposer. Je fais assurément des vœux bien sincères pour le rétablissement de votre santé.
Je vous demande bien pardon de vous avoir importuné pour un procureur général de quatre vingt ans, ce n'était sans doute qu'en cas, que la chose fût aisée, simple, ordinaire, ne tirant à aucune conséquence. Si vous permettiez que j'envoyasse sous votre enveloppe, les annales de L'empire à M. le président Henaut, je prendrais cette liberté. Ce serait mettre L'empire aux genoux de la France.
J'ignore si avant ma mort j'aurai au moins la consolation de vous faire ma cour.
Si ma santé me permet de continuer mes voiages, je me recommande à votre protection. Je pense toujours qu'il est permis d'aller chercher le soleil quand une fois on est en chemin. Je ne connais àprésent de beaux jours que ceux que le soleil donne.
Je vous supplie de me conserver vos bontez; elles font la consolation la plus chère d'un cœur qui vous est dévoué depuis si longtemps avec le plus tendre respect.
V.
Il est juste qu'un homme qui a un ulcère au pied présente ses hommages à son protecteur qui a la goutte. Il n'est pas moins juste qu'il le supplie de lire ou de se faire lire les imprimez cy joints. Il serait encor très juste que le roy m'acordât au moins la permission de venir mettre ordre à mes affaires que quatre ans d'absense ont bouleversées, et tâcher d'assurer du pain à ma famille, après quoy j'irai si on veut mourir ailleurs. Si vous pouvez monseigneur m'obtenir cette grâce qu'il y aurait bien de l'inhumanité à vous refuser, et qu'on doit à un mourant vous ferez une belle action. Il n'y a qu'un homme du nord qui puisse en être fâché. Il est plus votre ennemi que le mien, et on luy a fait assez de sacrifices….
V.