à Clermont le 6 Janvier 1741
Il me faudroit, Monsieur, toutte l'élèvation et de l'esprit et du talent unique que la Providence vous â donné pour vous bien exprimer ma très humble reconnoissance de la charité et de la générosité que vous voulés bien avoir pour mon fils.
Vous avés, Monsieur, parfaitement démêlé son caractêre. Il est né avec un bon fond, et je suis persuadé qu'il est actuêlement dans les bons sentimens que vous avés eû la bonté de luy inspirer, mais une tête aussi légère que la sienne forme très rarement un bon suiet. Quoy qu'il en arrive, Je recevray encore pour la seconde fois cet enfant prodigue, et il ne tiendrâ qu'à luy de me faire bientôt oublier tout le passé.
Nôtre Respectable Prêlat, à qui je viens de montrer la lettre que vous m'avés fait, Monsieur, l'honneur de m'êcrire le 27 du mois dernier, m'â paru très flattér de votre souvenir, et nullement surpris de la bonne œuvre que vous exercés envers mon fils; il connoit bien là, m'a t'il dit, votre façon de penser. Il m'â ordonné de vous bien remercier pour luy.
Je n'escris point à mon fils ne sçachant oû luy addresser ma lettre, qui vraysemblablement ne le trouveroit pas à Bruxelles. J'ay mesme peur que vous n'en soyés party Monsieur, avant l'arrivée de celle cy, et je ne l'hazarde que parce qu'il me seroit impossible de diffêrer un instant à vous faire au moins les protestations les plus sincères de la vive et très respectueuse reconnoissance avec laqu'elle j'auray l'honneur d'estre le reste de ma vie,
Monsieur,
Vôtre très humble et très obêissant serviteur
Champflour
Vous jugés bien, Monsieur, que dès que j'auray appris le montant des avances que mr le marquis de Fenelon aurâ bien voulu faire faire pour mon fils et pour sa compaigne, soit à la Haye, soit à Bruxelles, je seray très exact à les rembourser. Je sçay mesme gré à cette jeune fille de prendre son party de bonne grâce, et je serois fasché que dans cette occasion elle vint à manquer du nécessaire.