13 9 1757
Toute cette afaire, Monsieur, me chagrine infiniment, par ce que j'en considère les suites de sang-froid.
Ce même sang froid m'a déterminé à tout faire pour l'assoupir. Vous sembliez entrer dans mes raisons, lorsque dans votre lettre du 22 juillet vous me faisiez l'honneur de me dire, Monsieur, que cela soit fini & vivons en paix s'il est possible…… Employez moi & employez vous à tout pacifier. Vous ne songiez sans doute pas alors à recommencer la dispute. Il faut que vous ayez changé d'avis. Quant à moi, Monsieur, & aux honnêtes gens qui s'en félicitoient, nos raisons sont toujours les mêmes. La cause de Calvin est insoutenable, ce qui nous reste à faire c'est d'en rougir. Je vous ai déjà dit que nous devions souhaiter que Dieu lui fit miséricorde. Mais si la cause de Calvin ne vaut rien, que d'avantage ne donne-t-elle pas à Monsr de Voltaire, ou à tel autre qui voudra prendre la plume? Votre zèle Monsieur nous prépare bien des mortifications & vous obligerez Les spectateurs les plus éloignés de l'esprit polémique à se déclarer & à prendre parti. J'avois espéré d'ailleurs que les dispositions du Magnifique Conseil, qui ne vous sont pas inconnues, vous auroient déterminé au silence. Que sera ce Monsieur, si la foiblesse de l'homme le conduit jusqu'au personel? Il se dira de part & d'autre des choses bien afligeantes & bien désagréables, qui divertiront ceux qui se plaisent à nos fautes & à nos embaras. Croyez vous Monsieur que la Religion en général, & notre Réformation en particulier n'en soufre pas? Je sçais bien que je soufre dès ce moment pour l'une & pour l'autre, mais je sçais aussi que je n'aurai rien à me reprocher. Je voudrois la paix, vous ne la voulez pas. Ce sera à vous, Monsieur, à porter les coups qu'on vous prépare. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, Votre très humble & très obéïssant serviteur.
Tronchin