1757-08-19, de Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth à Voltaire [François Marie Arouet].

On ne conoit ses amis que dans le malheur.
La lettre que vous m'avez écrite fait bien honeur à votre façon de pensser. Je ne sçaurois vous témoigner combien je suis senssible à votre procédé. Le Roi l'est autant que moi. Vous trouveré ci joint un Billet qu'il m'a ordoné de vous remettre. Ce grand home est toujours le même. Il soutient ses Infortunes avec un Courage et une Fermeté digne de Lui. Il n'a pu transcrire la lettre qu'il vous avoit écrite. Elle Començoit par des vers. Au lieu d'y jetter du sable il a pris L'encrier, ce qui est cause qu'elle est coupée. Je suis dans un état affreux, et ne survivrai pas à la destruction de ma maison et de ma Famille. C'est L'Unique consolation qui me reste. Vous aurez de beaux sujets de Tragédis à travailler. O tems, O moeurs! Vous ferez peut être versser des Larmes pour une représentation Illusoire, tandis qu'on contemple d'un oeuill sek Les malheurs de tout une Maison, contre la quelle dans le fond on n'a aucune plainte réelle. Je ne puis vous en dire d'avantage. Mon âme est si troublée que je ne sçai ce que je faits, mais quoi qu'il puisse arriver soyé persuadé que je suis plus que jamais votre amie.

Wilhelmine