Le 18 de Fév. 1751
Si vous désiré grandement de me revoir je vous rends le réciproque.
Partent Frère Voltaire sera le bien venu en quelque tems que ce soit, et nous tâcherons de lui rendre notre Abeï agréable autant que faire sera possible. Ne vous émerveillé pas de mon Langage de Jadis. Il étoit naïff et qui dit naïff dit sincère. Breff Je lis les Mémoires de Sully et j'ai parcouru touts ceux que j'ai, qui concernent L'histoire de France. Ces Mémoires secrets mettent infiniment mieux au fait que les Histoires générales, où les auteurs attribuent les belles actions tant en politique qu'en Militaire à ceux qui n'y ont que peu de part. J'ai conclu que vous avez eu de très grands homes, et des Rois très ordinaire. Henri 4 n'auroit peut être jamais régné ou ne se seroit pas maintenu sans un Sully et Louïs 14 sans les Louvois, les Colberts, et les Turenne n'auroit jamais aquis le surnom de grand. Tell est le monde, on sacriffie à La grandeur et rarement au mérite. Vous me mandé des choses bien extraordinaires. Apolon est en procès avec un Juiff? Fy donc Monsieur, cella est abominable. J'ai cherché dans toute la Mithologie et n'ai trouvé ombre de Plaidoyer dans ce goût au Parnasse. Quelque Comique qu'il soit je ne veux point le voir représenter sur la scène. Les grands Homes n'y doivent paroitre que dans Leur Lustre. Je veux vous y Contempler, Juge de L'esprit, des Talents, et des sciences, Triomphant des Racines et des Corneilles, et Dictateur perpétuel de La République des belles Lettres. J'espère que votre Israélite aura porté la peine de sa Fourberie et que vous aurez l'esprit transquile. Envoyé nous bientôt le Marq: D'Adamar. Songez à La Joye, renoncez à la repentance, portez vous bien, penssé quelque fois à moi et conté sur ma parfaite estime.
Wilhelmine