1750-12-25, de Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth à Voltaire [François Marie Arouet].

Soeur Guillemete à Frère Voltaire salut, car je me conte parmi Les heureux habitants de votre Abeï quoique je n'y soit plus, et je conte très fort si Dieu me donne bonne vie et Longue d'y aller reprendre ma place un jour.
J'ai reçu votre Consolante Epitre. Je vous jure mon grand juron Monsieur qu'elle m'a Infiniment plus Ediffiée que celle de st Paulà la Dame Elue. Celle ci me causoit un certain assoupissement qui valoit L'Opium et m'empêchoit d'en apercevoir les beautés, la vôtre a fait un effet contraire, elle m'a tirée de ma Létargie et a remis en mouvement mes esprits viteaux. Envoyé nous je vous en conjure le plus tôt que vous pourez le Marquis d'Adamar. Il sera le bien venus sans recomendations, et on tâchera de faire ensorte qu'il ne se repente point du parti qu'il a pris. Quoique vous ayez remis votre voyage de Paris j'espère que vous me tiendré parole et que vous viendrai me voir ici. Apolon vint jadis se Famillariser avec les mortels et ne dédaigna pas de se faire pasteur pour les Instruire. Faites en de même Monsieur, vous ne pouvez suivre de meilleur modelle. Que dites vous de L'arrivée du Messie à Dresden? Pourez vous après cella révoquer en doute Les Miracles? Si j'avois étée Le P. R. de Saxe j'en aurois laissé tout L'honneur au st Esprit, mais il pensse come Charles 6. Lorsque l'Imp: accoucha de L'Archiduc on cria que c'éttoit à Nepomocé qu'on en avoit L'obliguation: A Dieu ne plaise, dit L'Empereur, je me vois donc cocu.

Mais Laissons là le st Esprit et le Messie. Quoiqu'il soit né aujourd'hui je vous assure que je n'aurois pas pensé à Lui sans L'avanture merveilleuse de Saxe. J'aime mieux pensser aux Beaux Esprits de Potsdam, son Abé et à ses Moines. Ressouvené vous quelque fois en revange des abssents et conté toujours sur moy come sur une véritable amie.

Wilhelmine

Je vous prie de saluer les Frères de ma part et de remercier Le Philosophe Comique de La Belle Lettre qu'il m'a écrite. Je Lui ai bien de L'obligation de la patience qu'il s'est donnée de m'écrire trois page et qui plus est du sérieux. Le Marg: vous fait bien des Compliments et vous sera bien obligé si vous pouvez déterminer bientôt le Marquis d'Adamar à s'enguager ici.