Le 2 de Janv: 1758
Car grâces au Ciel nous avons fini la plus funeste des années.
Vous me dites tant de choses obligeantes sur celle qui court que c'est un sujet de reconoissance de plus pour moi. Je vous souhaite tous ce qui peut vous rendre parfaitement heureux. Pour ce qui me regarde, j'abandone mon sort à la destinée. On forme souvent des voeux qui nous seroit préjudiciables s'ils s'accomplissoient, aussi n'en fais je plus. Si quelque chose au monde peut contenter mes désirs, c'est la paix. Je pense come vous sur la guerre. Nous avons un tiers qui pense certainement come nous. Mais, peut on toujours suivre sa façon de penser? ne faut il pas se soubmetre à bien des préjugez établis depuis que le monde existe? L'home court après le Clinquan de la réputation. Chaqu'un la cherche dans son métier, et dans ses talents, on veut s'imortaliser. Ne faut il pas chercher cette gloire Chimérique dans les Idées vrayes ou fausses que L'esprit de L'home s'en fait? Democrite avoit bien raison de rire de la folie humaine. Je vois une Hipocrite d'un côté courant les processions et Implorant les Sts occupée à Brouiller toute L'Europe et à la priver de ses habitants. Je vois de l'autre côté un Philosophe(quoi qu'avec regret) faire couler des flots de sang humain. Je vois un peuple avare, conjuré à la perte des mortels pour accumuler ses richesses. Mais Basta, je pourois trop voir, et cella n'est pas nécessaire. Il faut vous contenter pour cette fois de mon verbiage et de mes réflexions car je n'ai point de nouvelle depuis la dernière lettre que vous avez reçu de moi. Ce que vous me proposé est un peu scabreux, je m'explique sur ce sujet dans la lettre que je vous adresse. J'en reviens à ma vieille frase que l'on est sourd dans votre patrie. Sije pouvois vous parler vous jugeriez peut être diférament que vous ne faites. Le Roi est dans le Cas d'Orphée, si sa bonne Fortune ne le tire d'affaire. Il souhaite la paix, mais il y a bien des mais. Si elle ne ce fait avant le Printems toute L'Alemagne sera ruinée et Désolée. L'état où elle se trouve déjà, est affreux. Quelque conduite sage qu'on tiene on ne peut se mettre à l'abri des violances, et du pillage. Je ne finirois point si je vous faisois un détaill des malheurs qui l'accablent. C'est une honte que dans un Siècle policé on en agisse avec tant de cruauté. Le Roi n'en soufre point, malgré tout ce qu'on en dit le peuple Saxon l'aime, mais la Noblesse le hait, par ce qu'elle est privée des pensions et des apointments qu'elle retiroit. On débite contre lui des Calomnies atroces. Peut on y ajouter foy? Elles vienent de ses ennemis. L'envie a persécuté tous les grands homes, il faut y joindre l'animosité. Que n'est on sourd quand elle lance ses traits empoisonez?…. Encore une fois il faut que je finisse car je m'aperçois que je bavarde trop. Soyez persuadé [de] toute mon estime et que je serai toute ma vie La véritable amie du Frère Suisse.
Wilhelmine