1756-10-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame,

Il ne reste à moy pauvre perclus que la liberté de la main droitte pour remercier votre altesse sérénissime.
Je connais tous les manifestes du Roy de Prusse. Le meilleur à ce qu'on dit est une bataille gagnée au commencement du mois vers les frontières de la Boheme. Voylà déjà environ vingt mille hommes morts pour cette querelle, dans la quelle aucun d'eux n'avait la moindre part. C'est encor un des agréments du meilleur des mondes possibles. Quelles misères! et quelles horreurs! la meilleure de touttes les demeures possibles est certainement celle de Gotha, et je sçai bien quelle est la meilleure des princesses possibles.

Conservez madame la paix de vos états comme vous conservez celle de votre âme. Je suis toujours dans cet hermitage si prétieux pour moy puis qu'il a été habité par un prince dont le souvenir m'est si cher. Je crois ses frères déjà en état de faire goûter à leur mère le plaisir de voir leurs progrez. Je serai attaché pour jamais à cette auguste famille. Je m'intéresse bien plus à Gotha qu'à Pirna. Je supplie la grande maitresse des cœurs de répondre de mes sentiments, et de mon profond respect pour votre altesse sérénissime.

V.