à vous seul aux Délices, 5 juillet [1756]
Pardonez à mes importunitez mon héros.
Je me flatte que vous prendrez ce mois cy le Rocher et les anglais. Tant mieux que la besogne soit difficile, vous en aurez plus de gloire. Vous connaissez Paris et Versailles, vous savez comme on a murmuré que la ville de L'Europe la plus forte après Gibraltar n'ait pas été prise en quatre jours, et si vous aviez pu l'emporter d'emblée on aurait dit, cela était bien aisé. Vous triompherez des difficultez, des anglais, des sots et des jaloux.
Tronchin est revenu de Paris, il en a été L'idole, et jamais idole n'a reçu plus d'offrandes. Il a tout vu, tout entendu, ils connait tous ceux qui osent vous porter envie. Une certaine personne luy a parlé avec une confiance étonnante. Je n'ay qu'un reproche à me faire, luy a t'elle dit, c'est d'avoir fait du mal à mr de M…., mais j'ay été trompée, etc. etc. etc.
On a parodié la petite lettre que j'avais eu l'honneur de vous écrire. Tant mieux encore. Je vais préparer des fusées et je compte donner un feu le jour que j'apprendrai que vous êtes entré dans la place. En vérité vous devriez bien me faire savoir par un de vos secrétaires dans quel temps à peu près vous souperez dans le fort st Philippe. Vous feriez là une bien bonne œuvre. Elève du maréchal de Villars et son successeur, battez les ennemis de la France et les vôtres.
Il y a dans le monde un petit coin de terre où vous êtes adoré. Le lac de Geneve retentit de votre nom. Recevez mes vœux, mon encens, mon attachement, mon tendre respect.
V.