1775-08-10, de Gottlob Louis von Schönberg, Reichsgraf von Schönberg à Voltaire [François Marie Arouet].

Au haut des Pirénées, Monsieur, je ne me trouve point encore auprès de celui qui éclaire le monde et l'échauffe.
C'est à Ferney qu'est son palais et c'est là que je désire reporter en personne un faible grain de cet encens que par-tout je mêle aux flots qui s'en répandent dans les airs. Car enfin il n'y a plus d'impies nulle part, et jusqu'aux plus vils courtisans tout Vous adore maintenant en public ou feint de Vous adorer. Les tems sont arrivés où jusqu'à la bouche des prêtres infidèles s'ouvre pour Vous bénir. Les Antichambres des Ministres retentissent de Vos louanges come les portiques de l'Académie et nos jeunes femes ne sont pas plus surmontées de plumes que Vos statues ne le sont de lauriers. Dans la foule de tant d'hommages Daignez appercevoir les miens. Dès ma plus tendre enfance je me suis consacré à Votre culte et Votre nom auguste et saint est le prémier que mon cœur ait chéri d'accord avec ma raison. Souffrez donc que j'aille dans le mois prochain Vous renouveller la plus vive admiration, le plus profond respect et le plus inviolable attachement. J'ose m'en flatter. Si cependant vous pouviez avoir la bonté de m'encourager par un mot que Vous feriez adresser à Grenoble, mon bonheur comencerait plutôt et mes pas seraient affermis sans aucun trouble.

Car toujours quelque crainte accompagne l'amour.

Permettez que je suplie encore Madame Votre nièce de vouloir bien agréer tous mes homages et m'accorder la faveur de lui faire ma cour.

C'est avec plus de vénération que personne que j'ai l'honeur d'être, Monsieur, Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Schonberg