à Gothe ce 11may 1756
Je ne sais s'il y a de la vanité dans mon fait mais quoi qu'il en soit, il vaut mieu je pense être un peu vaine qu'ingrate: et dans cette suposition Monsieur souffrés que je Vous témoigne ma j'oye et ma reconoissance pour les beaux vers que Vous avés bien voulus ajouter, pour sauver La sagesse et la justice e la Providence, à ceux que Vous fite à l'occasion de la triste Catastrophe de Lisbone: l'on dit à Paris que c'est pour complaires au dévotés que Vous avés suprimés et refondus ainsi la fin de ce Poème: et moi Monsieur je me flatte que c'est pour l'amour de moi et par condescendence pour ma foiblesse que Vous l'avés décorés ainsi: je ne suis pas dévote et n'ai jamais passée pour telle: mais j'avoue ing[é]nument et sans rougir que j'ai le tic d'aimer, d'idolâtrer la providence si l'on peut s'exprimer ainsi; pardonés à la foiblesse humaine, je désire ardament un avenir heureu: Le présent est affreux s'il n'est point d'avenir, si la nuit du tombeau détruit l'être qui pense: cela est bien vrai selon mon sistème: outre la vérité j'y trouve une finesse infinie d'esprit et de Sagesse de Votre part, qui ferme la bouche à tout et Vous tire merveilleusement d'embaras; excusés ma fra[n]chise, ne l'attribués Monsieur qu'à cette estime, à cette Amitié qui m'attache à Vous et me rend pour la vie
Monsieur
Votre très affectionée amie et servante
Louise Dorothee DdS
La grande Maitresse des coeurs Vous fait mille complimens, elle répète et admire cent fois par jours les beaux vers en question. Toute ma famille Vous ambrasse d'inclination.