1756-01-17, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

Je Vous ai Monsieur une obligation infinie des beaux vers dont Vous venés de me régaler à ma sollicitation: cette defference de Votre part, est pour moi une nouvelle marque, bien agréable, bien flateuse de cette Amitié dont je conois le prix, que je mets si fort audesus de tant d'autres avantages; la grande Maitresse et moi, nous avons lus Votre petit poème ou sermon, avec une admiration, avec un saisisement, avec un frémissement inexprimable: tout y est grand, hardi et pathétique: c'est le fidel tablau de la funeste catastrophe de Lisbone: on croit y être présent et l'on éprouve en effet tout ce que ces habitants désolés ont pus sentir dans ces momens de trouble et d'horeur; la seule chose que j'eusse souhaité y voir encor dans cet admirable tableau, c'est les voyes de la Divine et Sage Providence rétab[l]ies et décelées; pardonés Monsieur à mon audace, regardés moi come Moliere son jardinier: je juge en aveugle et come ce Docteur, hélas, qui ne sait rien; je partage de tout mon coeur Votre indignation contre ce libraire qui a imprimé à votre insue l'histoire de la guere de l'anée 1741.
Je partage le succès de l'orphelin de la Chine qui a été représenté 17 fois avec des aplaudissemens infinis, enfin Monsieur je partage tout ce qui Vous touche, je voudrois Vous savoir heureu, satisfait, content: que n'y puis [je] y contribuer? Soyés persuadés de cette vérité qui est une conséquence naturelle de l'estime, de l'admiration que je Vous porte et qui me rend pour la vie

Monsieur

Votre très affectionée amie et servante

Louise Duchesse de Gothe

Le Duc, mes enfans et ma chère Amie Vous font mille voeux et mille Amitié.