aux Délices près de Genêve 26 avril 1756
Madame,
Je me doutais bien de quel avis serait votre altesse sérénissime.
Le plaisant de l'affaire, c'est qu'à Paris quand on a vu l'ouvrage adressé à une princesse, on a cru que cette princesse était une sœur de…. et on l'a imprimé avec son nom. Je n'ay eu qu'à me taire; et je laisse les prètres et les philosophes se battre.
Les Français et les anglais doivent se battre àprésent un peu plus sérieusement. Monsieur de Richelieu attaque àprésent le port Mahon; et la flotte anglaise n'a point encor paru pour le deffendre. Si elle n'arrive que pour être témoin de la prise l'Angleterre perdra son crédit dans l'Europe.
Il est toujours très confirmé par les lettres que je reçois de Buenos Airès, que les jésuittes font de leur côté très respectueusement la guerre au Roy d'Espagne; et qu'ils empêchent les peuples du Paraguai de luy obéïr.
Les mêmes lettres m'aprennent les détails inouis de la destruction de Quito au Pérou. C'est bien pis qu'à Lisbonne: la terre y a tremblé pendant trois mois. Le tout est bien est un peu dérangé en Amerique, en Europe et en Afrique. Il se passe toujours des scènes sanglantes en Asie, tant en Perse que dans l'Indoustan. Jugez madame s'il est doux de vivre à Gotha.
On dit à Geneve que Votre Altesse Se pourait bien y envoier le prince son second fils pour y faire quelque temps ses études. Que ne sui-je assez heureux pour que cette nouvelle soit vraie! ou plus tôt que ne pui-je dès àprésent venir faire ma cour à la mère, et mettre à ses pieds un cœur qui sera toujours pénétré pour elle et pour toutte son auguste famille du plus profond respect et du plus inviolable attachement.
V.