1755-09-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville.

Les pucelles me font plus de mal mon cher Catilina que les chinoises ne me font de plaisir. Ma vie est celle d'Hercule, je n'en ay ny la taille ny la force, mais il me faut comme luy combattre des monstres jusqu'au dernier moment. Si on en croiait la calomnie je finirois par être brûlé comme luy. On aplaudit mademoiselle Clairon et on a grande Raison; mais on me persécute jusqu'au tombeau et jusqu'au pied des Alpes; et en vérité on a grand tort. Puisque nos chinois ont été assez bien reçus à Paris dites donc à monsieur Dargental qu'il vous donne la pucelle à lire pour la petite pièce. Quand verrons nous votre tragédie, votre roman? Ces amusements là valent assurément mieux que les riens sérieux dans les quels les oisifs de Paris passent leur vie. Ils oublient qu'ils ont une âme, et vous cultivez la vôtre. Qu'elle ne perde jamais ses sentiments pr me Denis et pour moy, vous n'avez point d'amis plus tendres.

V.