1755-08-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Je vous renvoye monsieur le billet endossé.
Pardonez au trouble où ma douleur m'a plongé. Quelque absurde, quelque impertinente que soit la calomnie, elle est toujours très à craindre. Mr l'abbé Pernetti m'a mandé que ces horreurs couraient dans Lyon; un scélérat a eü l'impudence de venir m'en proposer l'achat pour 50 louis d'or. Je l'ay dénoncé sur le champ, luy et son ouvrage, à la justice et le conseil m'a fait raison; si M. le card. est instruit de la calomnie, n'est il pas juste qu'il le soit de ma conduitte? C'est ce que j'ay laissé à votre prudence et à votre amitié suivant le temps et l'occasion.

Je vous prie de mettre à la poste cette lettre pour madame de Pompadour qui depuis longtemps m'honore de sa bienveillance. Mon cher correspondant, si la calomnie me persécute dans mon azile, il faudra en chercher un autre. Tout cela est bien triste pour me Denis, qui se trouve transplantée au pied des Alpes. Je vous embrasse tendrement.

V.

Mr l'abbé Pernetti m'écrit qu'il est constant à Lyon que Le Roy demandera mon éloignement de Geneve. Je crois le Roy trop juste pour m'imputer des vers que les laquais de Paris rougiraient d'avoir faits. Je crois Monsieur le c. de Tensin trop juste pour m'en accuser et pour persécuter un innocent dont il n'a pas assurément sujet de se plaindre.

Voulez vous bien avoir la bonté de faire mettre aussi à la poste la lettre cy jointe? Je vous demande bien des pardons. made Denis et moy nous vous embrassons bien tendrement.

V.

Je n'écris à made de Pompadour qu'une lettre de compliment au sujet de mes chinois que je luy ay envoiez.

J'écris à mr l'abbé Pernetti que je ne crois point ce qu'il me mande.