à Ferney 24^e x^bre 1770

Je réponds fort tard, M^r, à la Lettre dont vous m’avez honoré du 1^er X^bre.
Je ne l’ai reçue que le 15. J’ai 77 ans, je suis très malade. Ce sont là des raisons p^r n’être pas fort éxact.

D’ailleurs, Mad^e vôtre femme aiant des lettres de M^r François de Sales ferait peut être des signes de croix en voiant une Lettre de François de Voltaire. Celà pourait mettre du trouble dans vôtre ménage, et j’en serais très affligé.

Je vois avec douleur que toutes les personnes dont vous me parlez sont mortes, car sans compter Mad^e de Chantal et son saint, nous avons perdu mad^e de Pompadour, Mad^e la Duchesse de Gotha, et mad^e de Buchval.

Si M^r de Pezai, qui répand tant de fleurs dans ses vers, veut une place à l’académie je lui offre la mienne qui sera bientôt vacante, et qui ne vaut pas celle qu’il a dans l’étatmajor.

Au reste, M^r, je suis très sensible à l’honneur que vous me faittes, mais ce sont des goutes d’Angleterre que vous envoiez à un apoplectique. Jouïssez guaiment de la vie, c’est tout ce que vous peut dire un homme qui est prêt de la perdre et qui ne la regrete pas beaucoup.