1755-06-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Louis Lekain.

J'ay reçu mon grand acteur le dessein de la décoration chinoise.
Comment voulez vous que je renvoye un morceau dont je suis si content et qui vaut mieux que la pièce? Je veux le garder, le payer. Si la pièce malgré sa faiblesse peut réussir, on en aura un peu l'obligation aux décorateurs, aux tailleurs, beaucoup aux acteurs, et nulle à l'autheur. Je souhaitterais que la part qu'on nomme d'autheur se partageast entre vous et ceux qui seront chargez des principaux rôles. Je vous prie de dire à Lambert que je luy ferai présent du privilège pr l'impression, et qu'il doit se charger d'empêcher qu'on n'imprime furtivement cet ouvrage comme on imprimâ Rome sauvée sur des copies faittes aux représentations, tronquées et défigurées. C'est ainsi qu'on a imprimé presque tous mes pauvres ouvrages. Je n'ay pas envoié nos chinois à madame de Pompadour. Il y en a une bonne raison. C'est qu'ils ne sont pas faits. Vous n'en avez vu qu'une faible esquisse. J'enverrai dans quinze jours le tableau terminé bon ou mauvais à Monsieur d'Argental. made Denis vous fait ses compliments. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.