aux Délices 10 septb [1755]
Non assurément mon ancien ami je peux ny ne veux retoucher à une plaisanterie faitte il y a trente ans qui ne convient ny à mon âge, ny à ma façon présente de penser, ny à mes études.
Je connais touttes les fautes de cet ouvrage, il y en a d'aussi grandes dans l'Arioste. Je l'abandonne à son sort. Tout ce que je peux faire c'est de désavouer et de flétrir les vers infâmes que la canaille de la littérature a insérez dans cet ouvrage. Ne vous ai-je pas fait part de quelques unes de ces belles interpolations?
Eh bien croiriez vous que dans le siècle ou nous sommes, on m'impute de pareilles bétises qu'on appelle des vers? On m'avertit que L'on imprime l'ouvrage en Hollande avec touttes ces additions. Cela est digne de la presse hollandaise, et du goust de la gent réfugiée. Je fais imprimer l'orphelin de la Chine avec une lettre dans la quelle je traitte les marauts qui débitent ces horreurs comme ils le méritent.
Plût à dieu qu'on eût saisi la pucelle, l'infâme prostituée de pucelle, à Paris comme vous me l'écrivez, et comme je l'ay demandé. Mais ce n'est point sur elle qu'est tombée l'équité du ministère, c'est à ma réquisition sur une édition de la guerre de 1741. Un homme de condition, avait à ce qu'on prétend, volé chez madame Denis les minutes très informes des matériaux de cette histoire, et les avait vendus vingt cinq louis d'or à un libraire nommé Prieur par les mains du chevalier de la Morliere, dont ce Prieur a la quittance. Je ne crois point du tout que le jeune marquis qu'on accuse de s'être servi de ce chevalier, soit capable d'une si infâme action. Je suis très loin de l'en soupçonner, et je suis persuadé qu'il se lavera devant le public d'une accusation si odieuse. Je me suis borné à empécher qu'on imprimât malgré moy une histoire du roy imparfaite, et qu'on abusât de mes manuscrits. Cette histoire ne doit paraitre que de mon aveu et de celuy du ministère après le travail le plus assidu, et l'exament le plus sévère.
Vous me feriez un très grand plaisir de faire lire le manuscrit que vous avez à mr de Tibouville. Adieu mon ancien ami, le ministre philosophe aura bientôt les remerciements que mon cœur luy doit.
V.