Quand on écrit d'aussi jolies lettres que vous, monsieur, il faudrait avoir la bonté d'instruire de votre demeure ceux qui ont des remerciements à vous faire. Je hasarde les miens. Je ne sais s'ils vous parviendront; mais si cette lettre vous est rendue, vous verrez que votre prose m'a fait autant de plaisir que les jolis vers dont vous avez embelli notre Parnasse et amusé la société, lorsque j'avais autrefois le bonheur de vous voir. Je rends grâce à mes magots de la Chine et à mademoiselle Clairon qui les a vernis de ce qu'ils m'ont valu les témoignages flatteurs de votre souvenir. Je suis dans un âge où je dois renoncer à ces fleurs qu'il vous appartient de cueillir. La poésie ne doit plus être mon amusement. Il ne faut plus que je sacrifie à Melpomene, mais vous avez longtemps à sacrifier aux Grâces. Made Denis est aussi sensible que moi à votre souvenir. Adieu, monsieur, je vous réitère mes remerciements et les assurances des sentiments bien sincères avec lesquels j'ai l'honneur d'être….
1755-08-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph François Edouard de Corsembleu Desmahis.